Improvisation, virtuosité et expressivité : trois vertus cardinales que Jean-Sébastien Bach, décrit comme le « grand maître » du violiste Carl Friedrich Abel, transmet à son élève. Si l’on retient souvent Abel comme ultime prodige de la viole à se manifester sur la scène européenne dans les années 1770, on occulte l’une des grandes singularités de son jeu : sa viole, qui fit pleurer son auditoire, est avant tout le médium d’une intimité sensible – celle-là même qui conduit son illustre aîné à faire résonner la viole dans les moments les plus déchirants de ses Passions. Lucile Boulanger dessine ici le chemin de cette filiation exquise.
Programme
Carl Friedrich Abel (1723-1787) Solos en ré majeur, Vivace (WK 190), [Adagio] (WK 187), Tempo di Minuet (WK 200), Fuga (WK 196)
Johann Sebastian Bach (1685-1750) Präludium pour le luth (BWV 999)
Johann Sebastian Bach (1685-1750) Bourée Anglaise pour la flûte (BWV 1013)
Carl Friedrich Abel (1723-1787) Solos en ré mineur , [Arpeggio] (WK 205) , Allegro (WK 207)
Johann Sebastian Bach Grave pour le violon ou le clavecin (BWV 1003/964)
Johann Sebastian Bach Allegro pour le violon (BWV 1003)
Présentation du concert par Prisca Masurel, élève de khâgne option Musique du Lycée Fénelon à Paris, partenaire de La Scala Paris
Bach signifie en allemand « le ruisseau », ruisseau qui coule dans les veines du violiste Carl Friedrich Abel, élève et filleul du célèbre compositeur. Si Lucile Boulanger voit entre eux une «filiation exquise», c’est qu’en plus de leurs influences mutuelles, Abel, quittant l’Allemagne pour l’Angleterre, entra en 1764 au service de la Reine Charlotte en tant que musicien de chambre, où il se lia d’amitié avec Jean-Chrétien Bach, dernier fils de J-S Bach. De leur collaboration naquirent les prestigieux «Concerts Bach-Abel», premiers concerts publics, lors desquels Abel se produisait parfois comme soliste.
Dans ce programme, Lucile Boulanger prolonge cette filiation en cherchant pourquoi Bach n’a pas composé pour viole seule, et transcrit ces œuvres de Bach en cherchant à le faire à la manière d’Abel.
Prêtez donc l’oreille à la vibrante polyphonie de cette viole de gambe, vous entendrez Bach murmurer : « Sei solo » (« Tu es seul »), parole qui résonne et prend tout son sens dans ce programme où sont réunies des pièces d’Abel pour viole seule et des transcriptions d’œuvres de Jean-Sébastien Bach.
« Sei solo« , c’est ce qu’inscrit Bach en première page des pièces pour violon seul, et qui se traduit à la fois par « Six solos » et « Tu es seul ». Dans ce rapport de solitude entre l’auditeur, le musicien et son instrument, Bach nous invite à nous retrouver pleinement en nous montrant attentifs à la manière dont une mélodie seule suggère une harmonie, une profondeur insoupçonnée. Transcrire les œuvres de Bach pour la viole selon l’héritage d’Abel, aux yeux de Lucile Boulanger c’est donc instaurer cette atmosphère intime tout en repoussant les limites de son instrument, en exiger une virtuosité impressionnante.
Privilège Mélomane
Émission :
Musique Matin avec Lucile Boulanger, par Jean-Baptiste Urbain