Ce projet est né de la période étrange que nous venons de vivre. Elle nous a obligé à porter un regard plus large sur notre perception du silence dans ce monde très peu silencieux qui est le nôtre. À la suite de ses lumineux et intimistes « Soleils de nuit » (label Paraty), la pianiste franco-roumaine Mara Dobresco nous convie à nouveau vers la lumière mais cette fois à travers le silence : « Silence des arts pendant la pandémie, silence vécu en tant que musicienne, mais aussi en tant qu’être tout simplement, silence qui nous ramène donc à nous-mêmes, à notre spiritualité, à notre monde intérieur. ». C’est un hommage à Beethoven, musicien réduit au silence et pourtant capable d’en extraire des merveilles, laissant entrevoir un « au-delà » à travers ses dernières œuvres. On retrouve cette quête de spiritualité en filigrane dans les deux créations des compositeurs Philippe Hersant et Oscar Strasnoy ainsi que dans « Le Fruit du silence » de Peteris Vasks, œuvre inspirée d’une anaphore de Mère Teresa.
Programme
Ludwig Van Beethoven Sonate op.109
Oscar Strasnoy Tombeau de Monjeau
Ludwig Van Beethoven Sonate op. 110
Philippe Hersant Bénédictus
Peteris Vasks Le Fruit du Silence, version en quintette avec piano
Présentation par Inès Poulet et Elise du Brusle, élève de khâgne option musique du Lycée Fénelon à Paris
« Ce silence du soir,
Ce n’est pas le silence . Écoute ! […]
Dès que tout se tait, tout commence à parler . »
(« Le Silence du soir » – Victor Hugo)
Respirez, voici, née du vide, la superbe « Sonate opus 109 » de Ludwig Van Beethoven, musicien réduit au silence et pourtant capable d’en extraire des merveilles. Le compositeur n’entend quasiment plus rien lorsqu’il compose cette oeuvre. Il essaie alors de dominer cette tragédie intérieure, l’occasion pour lui d’expérimenter une création dépassant les limites acoustiques conventionnelles de l’époque. Il développe ses idées de manière claire et libre, alternant mouvements dramatiques et impétueux vers un finale solennel.
Oscar Strasnoy, dans le « Tombeau de Monjeau », en fait résonner les notes initiales. Le silence revient en refrain obsessionnel, semblant évacuer les réminiscences d’un temps ancien : celui d’une écriture polyphonique, arpégée, libre et suspensive… méditation sur une mélodie en écho, insaisissable. Le concert propose ensuite un retour à Beethoven à travers la « Sonate opus 110 », où le contrepoint tend au sublime, s’achevant sur une fugue grandiose qui exprime la victoire finale de l’esprit face au malheur du compositeur. Philippe Hersant s’inspire de « ce sourd qui entendait l’infini » (Hugo) dans sa pièce originale « Benedictus » qui réinterprète les motifs de cette sonate. Enfin, Peteris Vasks nous propose un arrangement de sa pièce « Le Fruit du Silence », inspirée de l’anaphore de Mère Teresa :
« Le fruit du silence est la prière.
Le fruit de la prière est la foi.
Le fruit de la foi est l’amour.
Le fruit de l’amour est le service.
Le fruit du service est la paix. »
L’oeuvre, emplie de tension pathétique, ne laisse pas sa place au silence mais amène à la délivrance des dernières résonances.