Mercredi 31 mai 2023, dans une Piccola Scala accueillant toutes les générations, a eu lieu la soirée de palmarès et de remise des prix du concours des Correspondances théâtrales 2023, en présence d’un quatuor-pilote de la Fondation La Poste : Madame Anne-Marie Jean, Secrétaire générale, Madame Maryline Girodias, Secrétaire générale adjointe, Madame Nathalie Jungerman, webmestre du site de la Fondation et rédactrice en chef de Florilettres, le magazine littéraire de la Fondation, et sa collègue Madame Patricia Huby.
Les résultats du concours ainsi que la dotation en prix permise par La Fondation n’ont pas démenti le slogan jailli l’année dernière du cœur des opérations : « Les Correspondances théâtrales sont un concours sans perdant ». Au-delà de la dynamique d’une compétition bon enfant, il s’agit bien en effet, pour La Scala Paris comme pour la Fondation La Poste, de réaffirmer ensemble le droit pour toutes et tous de prendre la plume, porté-e par l’expérience du spectacle et par la forme inspirante de la lettre.
La qualité des correspondances qui nous sont arrivées cette année a été particulièrement remarquable, stimulée sans doute par le niveau littéraire des deux grands classiques au programme : au choix Bérénice de Racine ou En attendant Godot de Beckett, qui avaient été mis en scène à La Scala Paris respectivement par Muriel Mayette-Holtz et par Alain Françon. Dans l’un et l’autre cas, il s’agissait d’imaginer des « Lettres en attendant », correspondances contemporaines avec l’ami-e perdu-e que l’Histoire a éloigné-e (sur le modèle de l’histoire de Titus et Bérénice) ou correspondance entre Vladimir, Estragon ou bien X…, après le départ apparemment définitif d’Estragon.
Découvrez les textes des lauréats
Les auteurs
Les trente-deux personnes qui ont permis aux Correspondances théâtrales 2023 d’exister sont, dans l’ordre alphabétique des noms sous lesquelles elles ont souhaité apparaître.
Thomas A.
Hadrien Baudena, avec Maéva Guyot Astrée B. Joseph C. Dominique C. Hélène C., avec Frédéric X. Léa C.C. Brigitte C. Lucie C. Alain Giraudet Maéva Guyot, avec Hadrien Baudena Céline Jouny Benjamin Kauffmann Nina K. Pascale Kowal Alain Lagrange Elisabeth Lallias Maëlle Mathis L.-O. |
Olivier M.
Naïa M. Dominique Norbier Sarah-Dune Pietra-Ducateau Giulia P. Christopher R. Albane Denis S. David Season Noah T. Antoine T. Sophie Vu Isadora Waltz Frédéric X., avec Hélène C. et hors compétition (critères quantitatifs) : Cosimo A. Aurélie D. |
Etant donné la grande qualité d’ensemble des participations, grâce à la dotation de la Fondation La Poste, tous les participants en compétition ont reçu un certificat leur donnant accès au spectacle et au concert de leur choix sur la saison 23-24 de La Scala Paris.
La soirée
Le soir du 31 mai, la remise des prix a vu alterner la lecture des correspondances ayant reçu un premier prix avec des extraits de Royale Légende et des Lettres retrouvées de Marguerite Duras, qui faisaient partie des lots attribués aux gagnants. Mais comme on a pu voir ci-dessus, les Correspondances théâtrales sont bien un concours sans perdant !
Les deux acteurs interprètes étaient :
Clara Noël
Diplômée du Conservatoire de Paris en 2012, Clara Noël a joué notamment dans des créations de Lars Norèn, Simon Abkarian, Kevin Keiss, et sous la direction de Denis Podalydès, Gabriel Dufay, Sarah Mesguich, Elias Belkeddar, Sylvain Levitte. Elle enregistre régulièrement des fictions pour Radio France.
Sylvain Levitte
Ancien élève du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Sylvain Levitte est comédien et metteur en scène. Retenu pour le Tempest Project de Peter Brook dans les rôles de Caliban et de Ferdinand, après avoir travaillé avec entre autres Declan Donnellan, Jorge Lavelli, Macha Makeïeff, Luc Bondy, il confirme sa familiarité avec Shakespeare en montant Le Roi Lear, La Nuit des Rois et plus récemment Le Conte d’hiver.
La participation
Sur 43 personnes inscrites, 33 ont pris la plume, soit 76,7 % des candidats déclarés et plus de 3 inscrit-e-s sur 4, taux supérieur à la session 21-22, où le taux de passage à l’écriture était de 3 sur 5. Ces inscriptions ont débouché sur 30 contributions écrites (2 correspondances étant écrites à deux, comme le règlement l’autorisait). Trente contributions présentaient un nombre de lettres égal ou supérieur à 3, ce qui les qualifiait pour prendre part au concours.
Répartition des différentes catégories
Effet sans doute de la force des histoires inspiratrices, la catégorie « Correspondances dramatiques » a recueilli 100 % des candidatures ! L’absence cette année de candidatures en catégorie critique a donc conduit le jury à créer deux catégories thématiques (et non typologiques) : l’une autour de Bérénice, l’autre autour de Godot, ces deux œuvres ayant toutes deux inspiré des correspondances de grande qualité.
Un enrichissement dans la variété des catégories scolaire vs non-scolaire
Trois établissements scolaires étaient représentés cette année, qui voit l’entrée en lice des collégiens : le Collège Louise-Michel, partenaire de la Scala Paris, le Lycée Colbert, futur partenaire de la Scala Paris, et le Lycée Émile Dubois. Du côté des candidatures extra-scolaires, trois participants finalistes en 21-22, dont un lauréat, ont renouvelé leur candidature : une fidélité qui honore la Scala Paris, et dont nous les remercions !
Le jury
- Monsieur Olivier BARBARANT, Inspecteur général des Lettres du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, poète, critique littéraire
- Madame Nathalie JUNGERMAN, rédactrice en chef de FloriLettres, revue littéraire de La Fondation La Poste
- Monsieur Daniel LOAYZA, professeur de Lettres en classes préparatoires, traducteur, dramaturge, conseiller littéraire du Théâtre national de l’Odéon de 1996 à 2021
- Madame Clarisse RUBIO, professeur agrégé de Lettres
- Madame Christine MALRIEU, professeur de Lettres, responsable d’atelier Théâtre
- Monsieur Bernard LARRÉ, chargé des tournées à La Scala Paris, auteur dramatique
- Madame Bérénice FROC-SALEFRAN, masterante Recherche en Lettres, Sorbonne Université.
La coordination des travaux du concours était assurée par Françoise GOMEZ, responsable de l’Action culturelle à La Scala Paris.
La délibération
Ce jury s’est donc plongé avec passion dans la lecture approfondie des différentes correspondances écrites, selon une méthodologie identique à la session 2022 :
- Anonymat total des participations, préparé par Françoise Gomez (qui ne prend pas part aux délibérations, par souci de neutralité) : ce n’est qu’après l’établissement du palmarès définitif que l’anonymat est levé ;
- Double lecture de toutes les correspondances, par croisement du regard de deux jurés qui ne se concertent pas ;
- Puis relecture collective par le jury de la pré-selection dégagée par cette première phase d’évaluation à double lecture.
Ces règles connaissent deux uniques modulations :
- Les correspondances écrites « à quatre mains » sont signalées, comme il est normal, mais sans levée de l’identité des participants en cours de processus évaluatif ;
- En faveur des jeunes plumes : dans la catégorie scolaire, traitée distinctement, le niveau de classe des candidats est indiqué (mais pas l’identité des élèves).
Les critères d’évaluation, au nombre de quatre, demeuraient les mêmes qu’en 2022.
Critère 1 : Le respect de la forme épistolaire et des normes quantitatives
La correspondance doit regrouper plusieurs LETTRES, trois, ou davantage. Mails, textos, graffitis… ne sont pas acceptés. La correspondance marque (plus ou moins, selon la situation imaginée) les indices de temps et de lieu, ainsi que l’identité des correspondants. Les correspondants sont plusieurs. Cette année (2023), le sujet proposé autorisait exceptionnellement que l’auteur(e) de la première lettre reste le/la seul(e) auteur(e) des deux autres, mais la situation imaginée devait le justifier.
Détail, jurisprudence…
Sur le nombre des lettres présentées, 3 ou davantage. Le fait d’avoir écrit plus de trois lettres n’est pas en soi un critère d’élection. Mais cet effort garantit à l’auteur(e) une bienveillance accrue dans les autres champs d’appréciation. Par ailleurs si une quatrième lettre est nettement plus faible que l’ensemble des trois autres, on ne retiendra, pour évaluer la correspondance, que les trois meilleures lettres.
Sur la longueur des lettres. Le respect visible des normes du règlement était valorisé. Mais on a pu rencontrer…
- Des lettres d’une longueur inférieure à la longueur minimum attendue… Deux cas : soit cette brièveté produit visiblement un effet littéraire, dramatique, élégiaque, etc. et dans ce cas on peut l’accepter ; soit elle est clairement le résultat d’une rédaction superficielle, et dans ce cas on ne retiendra pas pour la sélection finale des lettres dont la trop grande brièveté n’apporte rien à l’ensemble de la correspondance. En catégorie scolaire, les mêmes critères s’appliquent, mais avec plus d’indulgence à l’égard des candidats les plus jeunes. On n’a donc pas regardé comme rédhibitoire, dans cette catégorie, l’extrême brièveté de certaines lettres, mais c’était un élément qui rendait d’autant plus essentielle, par ailleurs, la réussite en termes de créativité et de rédaction.
- Des lettres (trois) étaient clairement d’une longueur très supérieure à la longueur maximale fixée… Dans sa grande mansuétude…, le jury n’a pas exclu les productions « transgressives » ainsi adressées, et les a lues attentivement. Mais le propos de la correspondance et les circonstances imaginées devaient justifier cette longueur spectaculaire. Les productions qui à force de développements perdaient de vue le sujet proposé se sont retrouvées sanctionnées par l’évaluation.
- Certaines lettres étaient scénarisées, c’est-à-dire incluses dans une trame narrative de type romanesque. Le jury a accepté ces cas, mais le co-texte narratif devait apporter quelque chose à la correspondance, qui demeure la production évaluée.
En résumé, l’attente fondatrice reste et demeure : trois lettres, pas moins, entre lesquelles il y a du jeu, qu’il soit énonciatif, temporel ou circonstanciel… ressort de toute écriture épistolaire.
Critère 2 : La sensibilité à l’œuvre théâtrale-source
La pièce-source devait être comprise et la correspondance en témoigner, par sa cohérence et sa compatibilité avec l’œuvre. Pour Godot en particulier, des pistes ouvertes par la pièce pouvaient être saisies, et la correspondance s’y déployer.
Détail, jurisprudence…
Dans le cas des « Lettres à Bérénice », l’invitation à l’écriture était clairement une invitation à la transposition contemporaine par analogie dramatique. A donc été valorisé le souci manifeste de cette parenté par analogie de situation. Cependant…
Dans sa mansuétude toujours aussi vaste…, et en mémoire d’illustres prédécesseurs comme Ovide ou Madeleine de Scudéry, le jury a décidé de ne pas rejeter les correspondances qui « sans complexe » présentaient des échanges signés Titus, Bérénice, Antiochus…, même lorsque ces noms n’étaient pas métaphoriquement le truchement de correspondants contemporains. Mais la correspondance devait faire quelque chose de ce rattachement à la fable antique. Ont été pénalisées les correspondances qui ne faisaient que draper à l’antique un échange sentimental de type contemporain dont le contexte n’avait simplement pas été réinventé.
Critère 3 : Imagination, créativité, sens dramatique
En correspondances dramatiques, seule catégorie élue par nos candidats cette année…
La première question-clé est : La correspondance parvient-elle à faire parler des personnages ?
Pour Godot, on a pu valoriser : soit un effort mimétique de style par rapport à la façon de s’exprimer des personnages de la pièce, mais sans recopiage pur et simple des répliques de Beckett ; soit, indépendamment de l’expression des personnages dans la pièce, un effort pour donner à chacun-e une voix particulière, un style, une personnalité propre. L’invention d’un personnage adventice, si elle était justifiée, était acceptée.
La seconde question-clé est: La correspondance parvient-elle à faire imaginer, à travers l’échange, une situation intéressante (claire, originale, évolutive… : au moins l’une de ces trois caractéristiques) ? Ce critère était particulièrement discriminant pour les « Lettres à Bérénice », où la situation de personnages dans le monde d’aujourd’hui pouvait avoir donné lieu à une préparation documentaire de la part des candidats : un tel effort, lorsqu’il était sensible, était valorisé.
Détail, jurisprudence…
On a pu trouver :
- des « Lettres à Bérénice » qui n’étaient pas écrites entre amants ou amis, mais entre époux, ou parents ;
- des « Lettres à Bérénice » où ce n’était pas l’Histoire, mais la maladie ou le deuil, la catastrophe privée, qui séparait les correspondants.
Dans son éternelle mansuétude,… notre jury a accepté ces cas, à la condition que la séparation restât provoquée par une cause extérieure à la personne concernée, pas par une action du/de la correspondant(e) venue se surajouter à la structure dramatique de départ offerte par Racine. Chez Corneille, par exemple, dans Tite et Bérénice, Bérénice repart, car elle était revenue prendre part au couronnement de Titus – fidélité de Corneille à ce qui nous est conservé de Dion Cassius : dans notre cas c’est bien la simplicité de Racine qui fournit la structure-source.
Critère 4 : Lisibilité générale et correction de la langue
Dès lors que la compréhension générale et la cohérence syntaxique sont majoritairement assurées, ce critère n’est pas prépondérant (point précisé dans le règlement du concours). La présence de fautes d’orthographe n’est donc pas rédhibitoire : mais naturellement par la suite, pour tout texte publié en ligne, en totalité ou en partie, l’auteur ou les auteurs publiés sont aidés à présenter un texte sans faute.
Le jury a maintenu un point de vigilance important : la différence entre le niveau de langue ou les incorrections volontaires que l’auteur des lettres attribue à un personnage ou à un interlocuteur, en fonction de la personnalité qu’il lui confère ; et les incorrections ou faiblesses de langue involontaires qui relèvent de l’auteur, à son insu, affaiblissant la qualité de son texte. En cas de doute, il en était discuté en délibération.
En catégorie scolaire, surtout pour les niveaux les plus jeunes, l’indulgence était bien sûr de mise… mais pas sans limite. A été pénalisée toute production, scolaire ou a fortiori extra-scolaire, qui aurait produit l’impression que l’auteur(e) ne s’était absolument pas relu. Toute production acceptée doit présenter un seuil minimal de lisibilité. Mais aucun cas de négligence totale de ce genre n’a été constaté.
Pour chacun de ces quatre critères, chaque juré porte une appréciation de niveau, exprimée par lettre :
E D C B A
E = très insuffisant, éliminatoire. D = insuffisant sans être éliminatoire. C = moyen. B = bon, satisfaisantA = excellent, remarquable
Par binôme de jurés, deux A ou deux B, ou davantage, obtenus en première lecture, sélectionnent la correspondance pour la délibération finale. Pour ne rien perdre des propositions intéressantes, un juré peut aussi indiquer par une croix qu’il/elle souhaite voir suivie la correspondance concernée : dans ce cas la mention « à suivre » conduit nécessairement la correspondance en délibération finale. Les jurés peuvent rédiger à leur convenance un argumentaire ou une évaluation sur telle ou telle contribution.