INTERVIEW & PRESENTATION – Tom Carré et Pierre-Olivier Schmitt

Concert du 20 novembre 2022 à La Scala Paris
Noctuelles de Ravel, suivi du Concerto en sol transcrit pour percussions

Entretien avec Tom Carré et présentation de Pierre-Olivier Schmitt

Pour la sortie de son premier disque sous le label Scala Music, Noctuelles, le pianiste Tom Carré, qui joue le 20 novembre 2022 à La Scala Paris les Miroirs de Ravel et le Concerto en sol arrangé par Pierre-Olivier Schmitt, livre dans un entretien avec Iris Gilaber et Garance Martelet, élèves de khâgne option Musique du Lycée Fénelon, un éclairage inédit sur la conception de son disque, sur le choix du thème et le sens que prennent pour lui les œuvres qu’il interprète, à savoir l’Humoreske de Schumann et les Miroirs de Ravel. Cet entretien est suivi d’une présentation par Pierre-Olivier Schmitt de son arrangement ambitieux du Concerto en sol pour ensemble de percussions, qui sera interprété en seconde partie par le Conservatoire de Drancy où il enseigne, en compagnie du Conservatoire Hector-Berlioz du 10e arrondissement de Paris – ces deux établissements étant partenaires de La Scala Paris.

Comment envisagez-vous le rôle de l’interprète ?

Sur une partition, il y a beaucoup d’indications de jeu laissées par le compositeur. Mon rôle est de les respecter tout en jonglant avec elles, afin de leur donner des sens particuliers. J’essaye d’être libre, dans/ à l’intérieur de ce que le compositeur écrit. L‘étude de la partition m’aiguille alors dans mes choix : j’essaye d’abord de saisir les subtilités du morceau avant de me jeter dans le déchiffrage instrumental. C’est en comprenant l’œuvre que l’interprète peut accentuer, par exemple, les mécanismes pathétiques qui véhiculent l’émotion. À cela s’ajoute l’unicité de la performance qui amène l’interprète à prendre des initiatives inédites, dépendantes/selon la réception du public.

Ces initiatives sont donc représentatives de l’individualité du musicien, d’où ma conviction que dans toute pièce que je joue, il y a toujours une part d’expression de ma personnalité. C’est peut-être là toute la profondeur humaine de l’interprétation : faire sien ce qui ne l’est pas, trouver du commun dans l’œuvre d’autrui.

Comment faut-il comprendre l’esthétique nocturne de votre disque, Noctuelles ? Quelle en est l’origine ?

Lorsque Rodolphe Bruneau-Boulmier m’a offert la chance de créer mon premier disque, il m’a proposé d’enregistrer de nuit. C’était le seul moment où la salle de La Scala était libre. Cette condition m’a plu :  j’ai toujours préféré la nuit, moment où je suis seul avec ma musique. Je me suis tourné vers le thème schumannien de « l’exaltation du rêve », une lecture particulière de l’esthétique nocturne. C’est l’idée que l’on passe brusquement d’une émotion à une autre, que tout s’enchaîne avec fantaisie, tout en paraissant évident sur le moment. Dans mon rêve, ce qui fait le lien entre ces états successifs ce sont les «noctuelles», titre repris à Ravel d’après la première pièce de Miroirs, et qui parle de lui-même. Les Miroirs étaient idéals pour ce thème, d’autant plus qu’ils sont assez méconnus dans le répertoire ravélien : c’est une pièce plus intime, Ravel ne cherche pas à en faire un support de virtuosité exubérante. Quant au Schumann, j’ai découvert l’Humoreske grâce à mon grand frère Benjamin qui l’a joué. C’est en allant au concert qu’on tombe amoureux d’une pièce.

Pendant trois nuits consécutives, nous avons enregistré de minuit à cinq heures du matin. J’étais seul dans la pénombre de la salle avec mon piano, simplement guidé par l’ingénieur-son. Ce contexte nocturne a fait naître en moi une inspiration sur le moment inexplicable. Je sortais du métro et la ville était vide, Paris était tout à coup si calme et apaisée. La salle de La Scala elle-même, par son bleu sombre et profond, me plongeait en pleine nuit. J’étais entièrement immergé dans ma musique. C’est ce monde nocturne que j’ai essayé de peindre dans mon disque.

Présentation de Pierre-Olivier Schmitt sur le concerto en sol de Ravel, transcrit pour percussions

Pierre-Olivier Schmitt a déjà effectué plusieurs transcriptions, notamment la suite de Ma mère l’Oye avec le Paris Percussion Group. Son but est d’être le plus fidèle possible ; ainsi il imagine comment le compositeur lui-même aurait procédé s’il avait eu cet effectif de percussions. Cet ensemble se compose de trois grandes familles d’instruments : les bois (marimba, xylophone…), les métaux (vibraphone, cloche…), et les peaux (tambours, timbales…). Dès lors, se constitue déjà une certaine richesse de timbres à exploiter, afin de relever le défi que représente Ravel, lui-même grand orchestrateur.

S’il a déjà développé par son expérience des techniques d’orchestration, Pierre-Olivier Schmitt porte une attention particulière à la singularité de l’œuvre, afin de restituer le caractère de ce concerto. Loin de le dénaturer, il lui donne une seconde vie et le fait apparaître au public sous un nouveau prisme. Les progrès de la facture et de la virtuosité instrumentales, mais aussi la remarquable diversité des percussions, permettent à cet arrangement audacieux de reproduire la richesse des couleurs

harmoniques raveliennes. Les nuances subtiles des percussions, exploitées avec finesse, sont alors l’occasion d’effet de surprise pour l’auditeur.

Le public peut ainsi apprécier le Concerto ravivé d’autres couleurs, en se laissant porter dans cette transcription enthousiasmante.

Lancé par un coup de fouet qui pourrait évoquer le son de la pelote basque claquant sur le fronton, ce chef-d’œuvre au caractère enjoué déploie toutes ses sonorités ravéliennes, enrichies d’accents hispaniques et d’effluves venus d’Amérique.

Propos et analyse recueillis par Iris Gilaber et Garance Martelet, élèves de khâgne option Musique du Lycée Fénelon à Paris

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